Alors que le tribunal administratif de Paris avait rendu un jugement bien argumenté pour déterminer si les espaces de coworking devaient être considérés au sens de la taxe sur les locaux à usage de bureaux en Ile-de France (TSB) comme des locaux commerciaux ou de bureaux, la cour administrative d’appel de Paris (CAA) donne une nouvelle méthode d’appréciation de la TSB pour ces acteurs en renvoyant à l’aspect quantitatif des services complémentaires à la mise à disposition de bureaux.

Ce nouveau principe, bien que contraignant, laisse quand même une opportunité pour les coworkings de voir leur espace considéré comme commercial selon l’article 231 ter du Code Général des Impôts (CGI), et d’appliquer en conséquence une fiscalité bien plus avantageuse.

Principe de la TSB

L’article 231 ter du CGI qui régit la TSB distingue les locaux à usage de bureaux et les locaux à usage commercial. Cette distinction a un impact direct sur le calcul et le coût de la TSB due par le propriétaire.

En effet, la TSB s’applique en 2024 :

  • pour les locaux à usage de bureaux à partir de 100 mètres carrés, à un tarif de 25,31 €/m2
  • pour les locaux à usage commercial à partir de 2 500 mètres carrés à un tarif de 8,68 €/m2

(exemple pour les arrondissements centraux de Paris et certaines communes du 92)

Afin de distinguer la catégorie bureau de celle de commerce, qui n’est pas toujours très aisée, la jurisprudence a retenu le critère de l’utilisation effective des locaux dans un arrêt de principe du Conseil d’État du 24 avril 2019[1] .

Il convient d’apprécier alors la nature de l’activité réalisée dans les locaux, c’est-à-dire leur utilisation effective.

Application aux espaces de coworkings

Le 29 novembre 2022 (N° 2113114/2-1)[2] le tribunal administratif de Paris a appliqué le principe de l’utilisation effective pour la TSB aux espaces de coworkings. Il en a alors conclu que les locaux étaient bien à usage commercial au sens de la TSB.

A ce titre le Tribunal a retenu les indices cumulatifs suivants pour permettre cette qualification :

  • services bureautiques: espaces de travail, internet, salles de réunion, prises électriques, cabines téléphoniques, équipement technique…
  • espaces de convivialité: espace de détente, cuisine, service de restauration, cours de sport (yoga)
  • animation d’une « communauté »: espaces de projets informels, organisation de divers événements sociaux et professionnels
  • Nature des contrats avec la clientèle: les contrats conclus avec les clients de l’exploitant coworking ont la nature de contrat de prestations de services avec durées variables dépendant des formules choisies
  • Présence de l’enseigne de l’exploitant coworking visible depuis l’extérieur : la visibilité de l’enseigne permet ainsi au potentiel client de l’exploitant d’identifié ce local commercial et ainsi favoriser la vente des offres proposées par l’exploitant

Cependant le 15 mars 2024[3], la CAA de Paris relève qu’au cas particulier le contribuable exploitant de coworking ne prouve pas l’importance quantitative de telles prestations additionnelles à la location de bureaux et n’établit pas qu’elles revêtiraient autre chose qu’un caractère accessoire à l’activité principale de la société consistant à fournir à ses clients des locaux à usage de bureaux. En conséquence pour la CAA, la catégorie de bureau l’emporte sur celle à usage commercial dans cette affaire.

En conséquence, la CAA ne reprend pas la grille de lecture du tribunal administratif de Paris mais relève que les indices suivants ne sont pas suffisants pour prouver l’importance quantitative des prestations additionnelles à la mise à disposition de bureaux :

  • la description sur le site internet de la société des prestations offertes à la clientèle
  • la production du contrat de prestations de service conclu avec les clients
  • les conditions générales de vente

Dorénavant, il conviendra de prouver par des éléments autres que le site internet du coworking, les CGV et les contrats de prestations de services avec les clients que les services additionnels ne sont pas accessoires et qu’ils sont quantitativement plus importants que la location de bureaux. Si la preuve est rapportée, alors l’espace de coworking pourra être qualifié de local commercial au sens de la TSB.

Cette preuve devra être rapportée par l’importance quantitative des prestations. Même si elle n’est pas détaillée dans l’arrêt, cette preuve parait plus aisée et plus objective à démontrer que d’autres éléments factuels. En effet, dans la plupart des coworking, les services complémentaires à la mise à disposition de bureaux sont quantitativement plus importants que la location classique de bureaux en vertu d’un contrat de bail.

Alors qu’un pourvoi est à l’étude, il conviendra de continuer de déposer des réclamations contentieuses sur le sujet et d’apporter le plus d’éléments probants pour démontrer la supériorité quantitative des prestations additionnelles à la mise à disposition des bureaux.

L’équipe d’avocats de Farewell Tax est spécialisée en droit fiscal et intervient en fiscalité du patrimoine, fiscalité corporate et fiscalité locale. Son savoir-faire est notamment reconnu dans la gestion de contentieux fiscaux avec l’administration, même les plus complexes.


[1] Conseil d’État 24 avril 2019, n° 417792, 3e et 8e ch., min. c/ Indivision A-B : RJF 7/19 n° 670 , concl. L. Cytermann @ (C 670)

[2] TA Paris 29-11-2022 n° 2113114

[3] CAA Paris 15-3-2024 n° 23PA00132