Nous poursuivons notre série d’articles sur la loi de finances pour 2024. L’article 82 de la loi de finances pour 2024 transpose la directive UE/2020/285 du 18 février 2020, dont l’objet est d’harmoniser au sein de l’UE les règles applicables aux petites entreprises à compter de 2025. Le régime de la franchise en base est ainsi aménagé pour se conformer aux règles communautaires.

Ce qu’il faut retenir

  • Les entreprises établies dans un État membre de l’UE peuvent bénéficier du régime de la franchise, non seulement dans leur État d’établissement, mais également dans les autres États membres, à condition de ne pas dépasser un plafond de chiffre d’affaires fixé au niveau européen à 100 000 € ;
  • Le plafond national de chiffre d’affaires permettant de bénéficier de la franchise est unifié au niveau communautaire. Cette harmonisation modifie les plafonds actuellement applicables en France.
  • Des modifications sont également apportées aux franchises particulières applicables aux avocats, auteurs et artistes- interprètes à la suite de cette transposition.

Nouvelle définition de la notion d’assujetti établi en France ou dans un autre État membre de l’Union européenne 

Pour l’application de la franchise, l’assujetti établi en France est défini comme suit  :

  •  Tout assujetti dont le siège de l’activité économique est situé en France ;
  • Tout assujetti dont le siège de l’activité est situé en territoire tiers, qui dispose d’un établissement stable en France et qui choisit d’être rattaché à la France (ex. l’assujetti manifeste auprès de l’administration française l’intention de bénéficier de la franchise en France ou dans un ou plusieurs autres États membres et sous réserve qu’il ne bénéficie de la franchise ni ne soit identifié aux fins de ce régime dans aucun autre État membre) (CGI art. 293-0 B nouveau).

La définition d’assujetti établi dans un autre État membre de l’Union européenne est précisée par parallélisme (CGI art. 293-0 B, I-2°). Ainsi, est considéré comme un assujetti établi dans un autre État membre de l’Union européenne :

  • Tout assujetti dont le siège de l’activité économique est situé dans cet autre État membre ;
  • Tout assujetti dont le siège de l’activité économique est situé en territoire tiers, qui dispose d’un établissement stable dans cet autre État membre et choisit d’être rattaché à cet État membre.

En pratique, il est admis qu’une part de 5 % de la rémunération d’ensemble perçue par les gérants majoritaires de SELARL et les gérants de SELCA correspond aux revenus afférents à leurs fonctions de gérant. Et ce, qu’il soit possible ou non de les distinguer de la rémunération technique (au titre de l’activité libérale).

Harmonisation européenne des seuils de chiffre d’affaires de la franchise 

À compter du 1er janvier 2025, la franchise en base de TVA est applicable, au titre d’une année N, aux assujettis établis en France lorsque leur chiffre d’affaires réalisé en France au titre de l’année civile précédente n’excède pas :

  • 85 000 € (au lieu de 91 900 € actuellement) pour les activités de vente de biens corporels, de ventes à consommer sur place ou de fourniture de prestations d’hébergement ;
  • -37 500 € (au lieu de 36 800 € actuellement) pour les autres activités de prestations de services.

En cas de dépassement de ces seuils en N – 1, la franchise continue de s’appliquer en N – 1 mais cesse de s’appliquer à compter de l’année N.

Le mécanisme d’actualisation triennale des limites de la franchise est supprimé et les montants déterminés sont donc désormais fixes.

Si les seuils sont dépassés, la franchise en base peut continuer à s’appliquer l’année du dépassement à condition toutefois, comme actuellement, de ne pas dépasser certains seuils majorés. Ainsi, la franchise en base cesse de s’appliquer immédiatement aux assujettis dont le chiffre d’affaires de l’année en cours, réalisé en France, excède, selon l’activité exercée, la limite majorée de 93 500 € ou de 41 250 €. Les entreprises concernées deviennent redevables de la TVA pour les opérations effectuées à compter de la date du dépassement.

Franchise de droit commun 

Année d’évaluation Chiffre d’affaires national afférent aux activités de vente de biens corporels, de ventes à consommer sur place ou de fourniture de prestations d’hébergement Chiffre d’affaires national afférent aux autres prestations
de services
Année civile précédente 85 000 € 37 500 €
Année en cours 93 500 € 41 250 €

 

Suppression du mécanisme maintenant la franchise de droit commun l’année suivant le dépassement 

Le mécanisme actuel de maintien de la franchise l’année suivant le dépassement du chiffre d’affaires qui permet que la franchise reste applicable au titre des deux premières années de franchissement de la limite ordinaire, à condition que le chiffre d’affaires n’excède pas la limite majorée, est supprimé. Dès lors que le chiffre d’affaires de l’année civile précédente (N – 1) aura dépassé les limites, la franchise ne pourra plus s’appliquer en N.

À noter  : Ce dispositif ne concerne pas les franchises spécifiques, pour lesquelles les règles restent inchangées sur ce point. 

Application de la franchise dans les États membres autres que celui de l’établissement 

Actuellement, le régime ne permet d’accorder une franchise qu’aux entreprises établies dans l’État membre dans lequel la TVA est due. La directive UE/2020/285 du 18 février 2020 prévoit que les entreprises établies dans un État membre de l’Union européenne pourront bénéficier du régime de la franchise, non seulement dans leur État membre d’établissement, mais également dans les autres États membres, à condition toutefois de ne pas dépasser un plafond de chiffre d’affaires fixé au niveau européen à 100 000 € par an. Le chiffre d’affaires annuel dans l’Union européenne qui sert de référence est le montant total annuel des livraisons de biens et des prestations de services, hors TVA, réalisé sur le territoire de UE, déterminé dans chaque État membre conformément aux dispositions transposant dans chaque État l’article 288 de la directive TVA (CGI art. 293 D nouveau).

Assujetti en France pouvant bénéficier de la franchise dans d’autres États membres 

Un assujetti établi en France peut bénéficier dans un autre État membre, pour les opérations qu’il y réalise, du régime de la franchise applicable dans cet État, sous réserve de respecter les limites de chiffre d’affaires de cet État. Toutefois, il ne peut bénéficier du régime de la franchise dans un autre État membre que si le chiffre d’affaires qu’il réalise dans l’ensemble de l’UE n’excède pas le plafond communautaire de 100 000 €.

À noter  : Pour bénéficier de la franchise dans un autre État membre, il n’est pas nécessaire que l’assujetti bénéficie du régime de la franchise en France. 

Pour pouvoir prétendre à l’application de la franchise dans un autre État membre, l’assujetti établi en France doit adresser à l’administration fiscale française une notification préalable (CGI art. 293 B ter nouveau). L’administration doit délivrer un numéro individuel d’identification spécifique, dans un délai maximal de 35 jours ouvrables après la réception de la notification préalable, délai qui peut toutefois être porté à 70 jours ouvrables si l’administration estime devoir effectuer des contrôles supplémentaires pour éviter la fraude ou l’évasion fiscale.

L’assujetti bénéficiant de la franchise dans un ou plusieurs autres États membres de l’UE est tenu d’adresser à l’administration fiscale française, pour chaque trimestre civil et dans le mois suivant ce trimestre, les informations suivantes :

  • Le numéro individuel d’identification spécifique ;
  • Le montant total des opérations (livraisons de biens et prestations de services) effectuées au cours du trimestre civil en France, ou un montant nul si aucune opération n’a été effectuée ;
  • Le montant total des opérations effectuées au cours du trimestre civil dans chacun des États membres autres que la France (y compris dans les États membres où il ne bénéficie pas du régime de franchise), ou un montant nul si aucune opération n’a été effectuée.

L’assujetti est également tenu d’informer l’administration française du dépassement du seuil de chiffre d’affaires annuel dans l’Union, dans un délai de 15 jours ouvrables, et de déclarer le montant des livraisons de biens et des prestations de services effectuées entre le début du trimestre civil et la date à laquelle le plafond de chiffre d’affaires dans l’Union aura été dépassé.

Assujetti établi dans un autre État membre pouvant bénéficier de la franchise en France 

Un assujetti établi dans un autre État membre peut bénéficier du régime de la franchise pour ses opérations réalisées en France sous réserve de respecter outre les limites de chiffre d’affaires, les conditions suivantes :

  • Son chiffre d’affaires réalisé sur l’ensemble du territoire de l’UE afférent à l’année précédente et à l’année en cours n’excède pas 100 000 € ;
  • Il a préalablement notifié à l’administration de son État membre d’établissement, et selon les règles prévues dans cet État, sa volonté de bénéficier du régime de la franchise en France (CGI art. 293 B bis nouveau).

L’assujetti établi dans un autre État membre de l’UE bénéficie de la franchise en France à compter de la date à laquelle son État d’établissement lui aura communiqué (notification préalable) ou confirmé (mise à jour de la notification) un numéro individuel d’identification spécifique.

La franchise cesse de s’appliquer en France dans trois hypothèses : les plafonds nationaux de chiffre d’affaires prévus pour l’année en cours sont dépassés ; le chiffre d’affaires réalisé au niveau de l’ensemble de l’UE excède 100 000 € (dans ces deux premiers cas, la franchise cesse de s’appliquer sans délai) ; à la demande de l’assujetti, cette demande étant formulée auprès de son État d’établissement.

Adaptation des franchises spécifiques 

Les nouveaux seuils sont les suivants, à compter du 1er janvier 2025  :

Franchises spécifiques des avocats, auteurs d’œuvres de l’esprit et artistes-interprètes

Année d’évaluation Chiffre d’affaires national afférent aux activités particulières (1) Chiffre d’affaires national afférent aux opérations autres que les opérations
particulières
Année civile précédente 50 000 € 35 000 €
Année en cours 55 000 € 38 500 €

 

(1) Les opérations particulières sont les opérations suivantes : 

  • Pour les avocats, avocats au Conseil d’État et avocats à la Cour de cassation : les opérations réalisées dans le cadre de l’activité définie par la réglementation applicable à leur profession ;
  • Pour les auteurs d’œuvres de l’esprit : des opérations de livraison de leurs œuvres et de cession des droits patrimoniaux qui leur sont reconnus par la loi ;
  • Pour les artistes-interprètes : des opérations relatives à l’exploitation des droits patrimoniaux qui leur sont reconnus par la loi.

Entrée en vigueur

Les modifications apportées au régime de la franchise s’appliquent à compter du 1er janvier 2025.