Depuis le 15 mai 2022, tout nouvel entrepreneur individuel bénéficie (en principe) de plein droit de la séparation des patrimoines professionnel et personnel. Il peut toutefois renoncer à ce système dans des conditions qu’un décret publié vendredi a précisées.

Le nouveau statut de l’entrepreneur individuel est entré en vigueur hier.

Conséquence la plus importante, tout nouvel entrepreneur sous ce système bénéficie (en principe) de plein droit de la séparation de ses patrimoines professionnel et personnel. Autrement dit, les créanciers professionnels ne peuvent pas (sauf exceptions) saisir le patrimoine personnel de l’entrepreneur.

Auparavant, seule la résidence principale de l’entrepreneur était protégée de plein droit. Pour séparer l’ensemble de son patrimoine personnel, l’exploitant était obligé d’opter pour l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée (EIRL), un régime complexe.

Ce nouveau statut est issu de la loi dite en faveur de l’activité professionnelle indépendante. Promulguée le 14 février 2022, elle est entrée en vigueur le 15 mai. Entre-temps, des textes d’application importants ont été publiés.

Fin avril, le décret n° 2022-725 a précisé la notion de patrimoine professionnel que la loi définit ainsi : « les biens, droits, obligations et sûretés dont il est titulaire et qui sont utiles à son activité ou à ses activités professionnelles indépendantes constituent le patrimoine professionnel de l’entrepreneur individuel ».

Ce décret précise que ces éléments utiles sont ceux qui, « par nature, par destination ou en fonction de leur objet, servent à cette activité ». Le texte fournit une liste non exhaustive de ces éléments parmi lesquels figure le fonds de commerce, le droit de présentation de la clientèle d’un professionnel libéral, les biens meubles comme la marchandise, le matériel et l’outillage, etc. Le patrimoine personnel est, quant à lui, constitué en quelque sorte du reste du patrimoine de la personne physique.

Toutefois, selon l’union nationale des professions libérales (Unapl), des interrogations subsistent « notamment pour les professionnels libéraux qui possèdent un cabinet au sein de leur résidence privée » et plus précisément sur « l’applicabilité de la saisissabilité de la partie de la résidence utilisée pour les besoins de l’activité qui découle de son inclusion dans le patrimoine professionnel ».

Renonciation à la séparation des patrimoines pour un engagement spécifique

Ce système de plein droit, qui sépare en principe les patrimoines professionnel et personnel, est susceptible d’être remis en cause en pratique. En effet, la loi prévoit que l’entrepreneur individuel peut y renoncer pour un engagement spécifique (voir le texte ci-dessous). Cette faculté est justifiée surtout par l’éventualité que les banques cherchent à se protéger sur le patrimoine personnel de l’exploitant individuel.

Renonciation à la séparation des patrimoines professionnel et personnel : ce que dit la loi

Article L. 526-25 du code de commerce :
« L’entrepreneur individuel peut, sur demande écrite d’un créancier, renoncer à la dérogation prévue au quatrième alinéa de l’article L. 526-22, pour un engagement spécifique dont il doit rappeler le terme et le montant, qui doit être déterminé ou déterminable. Cette renonciation doit respecter, à peine de nullité, des formes prescrites par décret.
Cette renonciation ne peut intervenir avant l’échéance d’un délai de réflexion de sept jours francs à compter de la réception de la demande de renonciation. Si l’entrepreneur individuel fait précéder sa signature de la mention manuscrite énoncée par décret et uniquement de celle-ci, le délai de réflexion est réduit à trois jours francs ».

Le 12 mai 2022, le décret n° 2022-799 est venu préciser les conditions de forme de cette renonciation. Le texte recense le contenu de l’acte de renonciation. Nous le présentons dans le tableau suivant. Ce texte prévoit aussi que si le bénéficiaire de la renonciation est un établissement de crédit ou une société de financement au sens de l’article L. 511-1 du code monétaire et financier, il remet gratuitement un exemplaire du modèle type à l’entrepreneur individuel qui en fait la demande. Ce modèle type figure dans un arrêté publié également vendredi dernier.

Ce que doit contenir l’acte de renonciation à la séparation des patrimoines pour un engagement spécifique

Informations concernant l’engagement
  • Date de l’engagement ;
  • Objet de l’engagement ;
  • Date d’échéance de l’engagement, c’est-à-dire la date contractuelle prévue pour le remboursement total des sommes dues au titre de l’engagement, étant précisé que celle-ci peut être prorogée soit par un accord des parties soit par une décision judiciaire ;
  • Montant de l’engagement ou les éléments permettant de le déterminer ; ces éléments, une fois spécifiés dans l’acte de renonciation fixent définitivement le plafond pour lequel une même renonciation vaut ;
  • Date de demande de la renonciation.
  • Lorsque l’entrepreneur individuel et le bénéficiaire de la renonciation entendent réduire le délai de réflexion au terme duquel la renonciation intervient, dans les conditions prévues au second alinéa de l’article L. 526-25, l’acte de renonciation porte, de la main de l’entrepreneur individuel, la mention manuscrite suivante : “Je déclare par la présente renoncer au bénéfice du délai de réflexion de sept jours francs, fixé conformément aux dispositions de l’article L. 526-25 du code de commerce. En conséquence, ledit délai est réduit à trois jours francs.”
  • L’entrepreneur individuel et le bénéficiaire de la renonciation apposent leur signature sur l’acte, ainsi que la date et le lieu. Il peut être fait usage d’une signature électronique qualifiée répondant aux exigences du décret n° 2017-1416 du 28 septembre 2017 relatif à la signature électronique.
Informations concernant l’entrepreneur individuel Informations concernant le bénéficiaire de la renonciation
  • Nom de naissance, nom d’usage, prénoms, nationalité, date et lieu de naissance et domicile ;
  • L’activité ou les activités professionnelles et, s’il en est utilisé, le nom commercial et l’enseigne ainsi que les numéros et codes caractérisant l’activité ou les activités visés aux 1° à 3° de l’article R. 123-223 ;
  • L’adresse de l’établissement principal où est exercée l’activité professionnelle, ou, à défaut d’établissement, l’adresse du local d’habitation où l’entreprise est fixée ;
  • Le numéro unique d’identification de l’entreprise, délivré conformément à l’article D. 123-235 si l’entrepreneur est déjà immatriculé, ou, lorsqu’elle est antérieure à la date d’immatriculation, la date déclarée du début d’activité.
Bénéficiaire personne physique Bénéficiaire personne morale
  • nom de naissance, nom d’usage, prénoms, date, lieu de naissance et domicile du bénéficiaire de la renonciation ;
  • le cas échéant, l’activité ou les activités professionnelles exercées, l’adresse de l’établissement principal où est exercée l’activité professionnelle, ou, à défaut d’établissement, l’adresse du local d’habitation où l’entreprise est fixée et, s’il en est utilisé, le nom commercial et l’enseigne ainsi que les numéros et codes caractérisant l’activité ou les activités visés aux 1° à 3° de l’article R. 123-223 et le numéro unique d’identification de l’entreprise délivré conformément à l’article D. 123-235.
  • la raison sociale ou la dénomination sociale, suivie, le cas échéant, du sigle et de la forme ;
  • l’adresse du siège social ou de l’établissement, ou, à défaut, l’adresse du local d’habitation où l’entreprise est fixée ;
  • le numéro unique d’identification de l’entreprise, délivré conformément à l’article D. 123-235 ;
  • l’indication que le bénéficiaire de la renonciation est un établissement de crédit ou une société de financement au sens de l’article L. 511-1 du code monétaire et financier.